21 maart 2023

La répartition du travail entre les différents membres, lors de l'exercice d'un mandat en collège de commissaires, doit-elle être réalisée à parts égales ou peut-elle être disproportionnée ? Quelles sont, à la lumière des normes ISA les documents relevants ?

« 1. Lors de l'exercice d'un mandat en collège de commissaires la répartition du travail (« volume ») entre les différents membres de celui-ci doit-elle être réalisée à parts égales ou peut-elle être disproportionnée (ex.: un membre du collège réalise 80% de l'audit des rubriques des états financiers contre 20% pour le second membre du collège ; nous partons de l'hypothèse que les 80% correspondent à 80% des rubriques matérielles des états financiers et 80% du temps de travail du collège) ?

Les émoluments des membres du collège peuvent-ils être disproportionnés et/ou le cas échéant proportionnés à l'ampleur de leurs travaux respectifs ? Cette disproportion, les cas échéant, ne donne-t-elle pas lieu à une apparence de subordination ?

2. Y-a-t-il une différence si le second membre du collège est membre de la Cour des Comptes de Belgique sachant que les deux signataires signent conjointement un rapport de commissaires (un signataire réviseur d'entreprises tandis que le second est Conseiller de la Cour des Comptes) ?

3. Pourriez-vous préciser à la lumière des normes ISA quels sont les documents de travail du confrère qui doivent être en possession du second réviseur d'entreprises, le cas échéant, lors de la signature du rapport du collège et conservés par la suite ?

4. Un mémo réalisé par le second signataire dans le cadre d'une réunion de closing est-il suffisant, sachant que celui-ci a été parcouru et discuté par tous les membres du collège ? Doit-il s'agir obligatoirement de l'Audit Summary Memorandum établi par le premier réviseur qui doit être en possession du second réviseur complété le cas échéant d'un mémo de revue du dossier du premier réalisé par le second réviseur d'entreprises ?

Nous supposons que l'entièreté des travaux / des documents de travail (en ce compris les pièces justificatives de testing) du premier réviseur d'entreprises ne doit pas être en possession du second réviseur ? ».

  1. Pour répondre à la première question, l’ICCI se réfère à un extrait de la publication de B. Tilleman, Le statut du commissaire, ICCI (ed.), Bruxelles, la Charte, 2007, p. 207, no 342-343, qui traite ce sujet, et qui stipule ce qui suit:

    « La plupart du temps, le collège des commissaires fonctionnera sur la base d’une répartition des tâches. La décision de répartition doit être prise de manière collégiale. Il est recommandé de consigner par écrit cette répartition convenue oralement dans un document dont chaque réviseur conservera un exemplaire. Le collège doit examiner si le programme de travail établi par chacun des membres est approprié. Lorsqu’une répartition des tâches a été approuvée par le collège, il se justifiera de procéder à un examen des documents relatifs aux prestations accomplies par les autres membres du collège. La répartition des tâches ne doit pas être telle qu’un membre du collège ne serait pas à même de disposer d’une connaissance suffisante de l’activité de la société ou de l’opération sur laquelle porterait un rapport. Puisque la déontologie exige que les honoraires soient déterminés en fonction de la nature, de la complexité et de l’importance de la mission, il se recommande de retenir un équilibre entre la rémunération de chaque membre du collège et les tâches qu’il doit effectivement accomplir.

    Une éventuelle répartition des tâches n’a de valeur qu’à titre interne, au sein du collège des commissaires. Ni la société contrôlée, ni les tiers ne peuvent se baser sur cette répartition des tâches. Lorsque les commissaires se sont répartis entre eux les tâches de contrôle, ils restent néanmoins solidairement responsables de l’ensemble de l’opinion reprise dans le rapport. ».

    Par conséquent, il ressort de ce qui précède que la répartition du travail entre les différents membres du collège peut être disproportionnée si la décision de répartition est prise de manière collégiale. L’ICCI est d’avis qu’il est recommandé de définir les modalités de fonctionnement du collège dans un mémorandum.

    Quant aux honoraires, étant donné qu’ils sont déterminés en fonction de la nature, de la complexité et de l’importance de la mission, ils sont en principe proportionnés à l'ampleur des travaux respectifs des membres du collège. Le déséquilibre éventuel des honoraires entre les membres d’un collège ne donne pas lieu à une apparence de subordination car la répartition des tâches n’a de valeur qu’à titre interne.

  2. En ce qui concerne la troisième question, la norme ISA 230 traite des documents de travail. Toutefois, elle ne dit rien des documents de travail qu'un réviseur d’entreprises doit conserver s'il forme un collège avec un autre réviseur d’entreprises.

    Lorsqu’une répartition des tâches a été approuvée par le collège, l’IRE recommande que chaque réviseur d'entreprises procède à un examen des documents de travail relatifs aux activités de contrôle accomplies par les autres membres du collège (cf. Etude IRE 2004: « La société et son commissaire – cas pratiques », sous la direction de M. Vander Linden et E. Vanderstappen, p. 38 : Societe&Commis FR (ibr-ire.be)).

    Un extrait de la publication de S. De Blauwe, «Commentaire de l’art. 137 C. soc», CSCS 2019, p. 54-55,  stipule en outre:

    « Lorsque les commissaires se sont répartis entre eux les tâches de contrôle, ils restent néanmoins solidairement responsables de l’ensemble de l’opinion reprise dans le rapport.(..) Dans un collège, les commissaires ont un secret professionnel partagé. (…) d’assurer que la répartition des tâches n’est pas telle qu’un membre du collège ne serait pas à même de disposer d’une connaissance suffisante de l’activité de la société ou de l’opération sur laquelle porterait un rapport. ».

  3. En ce qui concerne la nature des documents de travail à conserver, comme indiqué précédemment, la norme ISA 230 traite des documents de travail. Les paragraphes 2, 8 et A.2 doivent être considérés conjointement. Ces dispositions traitent de la nature et de l’objet de la documentation d’audit, des procédures d’audit réalisées et des éléments probants recueillis.

Néanmoins, l’ICCI est d’avis que vos questions relèvent aussi du jugement professionnel conformément au point 16 de l’ISA 200, selon lequel :

« L’auditeur doit exercer son jugement professionnel lors de la planification et de la réalisation d’un audit d’états financiers. ».

Le paragraphe A.25 de l’ISA 200 dispose en effet ce qui suit:

« A25. Le jugement professionnel est essentiel pour la bonne conduite d’un audit. Cela tient au fait que l’interprétation des règles d’éthiques concernées et des Normes ISA, ainsi que les décisions fondées, requises tout au long de l’audit, ne peuvent être faites ou prises sans s’appuyer sur une connaissance et une expérience pertinentes des faits et circonstances. Le jugement professionnel est nécessaire en particulier pour les décisions portant sur :

(…)

• Le fait de déterminer si des éléments probants suffisants et appropriés ont été recueillis, et si des travaux supplémentaires sont nécessaires pour atteindre les objectifs des Normes ISA et, par voie de conséquence, les objectifs généraux de l’auditeur ; ».

Compte tenu de la responsabilité de chacun des membres du collège, l’ICCI est d’avis qu’il est recommandé d’avoir un dossier d’audit qui couvre l’ensemble de la mission.

Selon l’ISA 230, le dossier de travail doit comprendre :

a) un enregistrement suffisant et approprié de la justification de l’opinion d’audit ; et

b) des informations montrant que l’audit a été planifié et réalisé conformément aux ISAs et dans le respect des exigences légales et réglementaires applicables.

Pour les auditeurs d’un collège, cela signifie qu’ils doivent également inclure dans le dossier de travail les modalités de partage du travail et la manière dont ils ont examiné le travail de chacun, ainsi que tous les documents requis conformément aux ISAs pour compléter le dossier de travail.

 

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Mots clés : Collège de commissaires, honoraires, ISA 230, ISA 200