20 januari 2022

 Exercer un mandat d’administrateur dans (1) une société abritant uniquement un centre de coworking avec mise à disposition de services exclusifs pour les professionnels du chiffre, (2) au sein d’une société patrimoniale détenant l’immeuble professionnel loué à des sociétés dé révision et d’expertise comptable ou (3) au sein d’une structure agréée ITAA, est-il compatible avec la profession de réviseur d’entreprises ?

 

  1. 1.      Les questions suivantes sont posées:

     

    « Vu l’évolution du métier qui nécessite une collaboration et un partage plus avancés entre les confrères;

    Vu l’évolution du marché du travail avec des attentes des collaborateurs axées plus vers le télétravail, le coworking et le partage d’expérience ;

    Vu le poids de l’immobilier au sein de la structure existante, complexifiant ainsi l’entrée des collaborateurs au sein de l’actionnariat ;

    J’analyse la possibilité d’effectuer l’opération suivante pour ma société de révision (actionnaire unique):

     

    Scission partielle de la société actuelle (A) avec maintien des activités strictement révisorales au sein de la société transférante (mandats, missions ponctuelles, ...) et transfert à une société à constituer (B) de l’immeuble pour en faire un centre d’affaires pour professionnels du chiffres et transfert de l’activité compatible ITAA (activités relevant des normes communes, évaluation, plans financiers, etc.) à une deuxième société (C) à constituer. Les trois sociétés seraient regroupées au sein d’une entité TVA. Je serai administrateur des trois sociétés étant également membre de l’ITAA.

     

    La communication 2018/17 du Conseil a analysé les conséquences de la suppression de la notion de commerçant en ce qui concerne l’incompatibilité des auditeurs. Sur base de votre avis du 27/04/2021, aucun arrêté royal d'application de l'article 29, § 3 de la loi du 7 décembre 2016 n'a encore été pris. Depuis le 31 décembre 2016 à ce jour, il y a donc une interdiction absolue pour un commissaire d'occuper un poste d'administrateur dans une société commerciale. En l'absence d'un arrêté royal, aucune exception n'est possible et le Collège ne peut pas non plus accorder d'exception. Sur la base de l'arrêt C-384/18, une interdiction générale d'exercer une activité commerciale n'est plus possible également (voir Avis ICCI du 27/04/2021). Il existe donc à mon avis un flou juridique.

     

    Mes questions sont les suivantes :

    -        Exercer un mandat d’administrateur dans une société abritant uniquement un centre de coworking (société B) avec mise à disposition de services exclusifs pour les professionnels du chiffre (ITAA-IRE) dans les sociétés A et C, est-il compatible avec la profession de réviseur d’entreprises ? Cette activité commerciale est-elle permise si elle est au profit exclusif des professionnels du chiffre ?

    -        Si non, exercer un mandat d’administrateur au sein d’une société patrimoniale (B) détenant l’immeuble professionnel, loué en partie à A et en partie à C, est-il compatible avec la profession de réviseur d’entreprises ? Le fait de faire partie d’une unité TVA et de louer à une profession hors institut, est-il assimilé à une activité commerciale ?

    -        Exercer un mandat d’administrateur au sein d’une structure agréée ITAA, est-il compatible avec la profession de réviseur d’entreprises ? Subsidiairement, il est peut-être préférable d’effectuer une scission partielle de la structure existante avec maintien de l’immeuble au sein de la société existante et transfert de l’activité révisorale et des missions compatibles au sein de deux nouvelles sociétés à constituer. Dans ce cas, le transfert des mandats de commissaire confiés à la société de révision, s’effectue-t-il automatiquement par l’application de l’article 12:13 CSA sans aucune formalité ou ce transfert nécessite-t-il une assemblée générale ordinaire pour chaque client confirmant le transfert du mandat ? Bien entendu, le réviseur signataire au nom de la société de révision issue de la scission reste le même. ».

     

  2. L’article 29, § 2, 2° de la loi du 7 décembre 2016 portant organisation de la profession et de la supervision publique des réviseurs d'entreprises (ci-après : « loi du 7 décembre 2016 ») dispose que :

     

    « § 2. Le réviseur d'entreprises ne peut exercer des missions révisorales dans les situations suivantes:

      2° exercer une activité commerciale directement ou indirectement, entre autres en qualité d'administrateur d'une société commerciale; n'est pas visé par cette incompatibilité l'exercice d'un mandat d'administrateur dans des sociétés civiles à forme commerciale; ».

     

  3. Quant à la première et deuxième question à savoir si l’exercice d’un mandat d’administrateur dans la société B en question, l’ICCI est d’avis qu’il faut tenir compte de l’objet de la société B pour déterminer si la société est une société civile ou commerciale. Si la société a pour objet de réaliser des actes commerciaux, tels que décrits aux articles 2 et 3 de l’ancien Code de commerce, elle est une société commerciale. Si ce n'est pas le cas, il s'agit alors d'une société civile.

     

    Sur la base de la description des services fournis par la société B (centre de coworking, location d’un immeuble professionnel à une profession hors institut), la société B est une société dites de moyens. Selon la doctrine à ce sujet [1] ), les sociétés dites de moyens dont les actionnaires sont des professionnels libéraux seront normalement qualifiées de sociétés civiles (en droit belge avant la dernière réforme comme en droit français d’ailleurs depuis 1966). Par conséquent, l’ICCI estime que l’exercice d’un mandat d’administrateur dans cette société B dites de moyens est compatible avec la profession de réviseur d’entreprises.  Bien entendu, les exigences déontologiques qui s’appliquent à chacune des professions visées doivent toujours être intégralement respectées, ainsi qu’en ce qui concerne les missions de commissaire, les principes généraux d'indépendance prévus par le Code des sociétés et des associations et par la loi du 7 décembre 2016.

     

  4. En ce qui concerne la troisième question, l’ICCI estime que, conformément à l’article 29, § 2, 2° in fine de la loi du 7 décembre 2016, un réviseur d’entreprises peut exercer un mandat d’administrateur dans une société agréée ITAA, puisqu'il s'agit d'une société civile. Encore une fois, bien entendu, les exigences déontologiques qui s'appliquent à chacune des professions visées doivent toujours être intégralement respectées, ainsi que, en ce qui concerne les missions de commissaire, les principes généraux d'indépendance prévus par le Code des sociétés et des associations, ainsi que par la loi du 7 décembre 2016.

     

  5. Enfin, l’ICCI souhaiterait rappeler que ce qui précède est resté inchangé après la loi du 15 avril 2018 portant réforme du droit des entreprises (M.B. 27 avril 2018), entrée en vigueur le 1er novembre 2018. Conformément à son article 254, deuxième alinéa, cette loi ne porte pas atteinte aux dispositions légales, réglementaires ou déontologiques qui, en faisant référence aux notions de « commerçant », « marchand » ou à des notions dérivées, posent des limites aux activités autorisées de professions réglementées, donc y compris l'article 29, § 2, 2° de la loi du 7 décembre 2016.

[1] ) Cf. H. Olivier, RPDB 1977, p. 309.