18 januari 2023

Quelle est la légalité d’une décision judiciaire prononçant la nullité d’une assemblée générale et par conséquent la nullité de la nomination d’un commissaire alors que celui-ci a déjà exercé sa mission et établi une attestation ? Quelles sont les précautions utiles en cas d'interruption de mandat?

 

  1.  La question suivante est posée :

     

    « Suite à un accord transactionnel intervenu devant le Tribunal de l'entreprise de XXX, une assemblée générale du XXXXXX mise en cause par un actionnaire minoritaire (non encore actionnaire à cette date), a conclu à la nullité de cette assemblée, et par conséquent de ma nomination en tant que commissaire.

    Il s'agit en fait de la conclusion d’un litige profond entre actionnaires. Je ne suis pas concerné personnellement.

    Toutefois, j'ai exercé ma mission de commissaire pour l'exercice XXXX et établi une attestation. Pour ce qui concerne l'année suivante, j'ai d'abord établi un rapport de carence justifié par l'impossibilité d'obtenir les pièces. Ces dernières ont ensuite été mises à ma disposition et j'étais sur le point d'aboutir à une attestation.

    L'actionnaire principal et aussi administrateur m'informe sur base du jugement que ma mission est terminée.

    Je m'interroge sur la légalité d'une telle décision dès lors que ce mandat a bien été exercé durant près de deux ans avec attestation officielle mais aussi sur les précautions utiles si je devais l'interrompre.

     ».

     

  2. L’ICCI souhaite d’abord renvoyer à l’article 2:47 du CSA, qui dispose que :

     

    « § 1. Le jugement prononçant la nullité et l'ordonnance de suspension produisent leurs effets à l'égard de tous. A l'égard de personnes qui ne sont pas parties à la cause, le jugement prononçant la nullité et l'ordonnance de suspension ne produisent d'effet qu'à partir de la publication de la décision selon les modalités fixées aux paragraphes suivants, sans préjudice du droit de ces personnes de former une tierce opposition. 

      § 2. L'extrait de la décision judiciaire passée en force de chose jugée ou exécutoire par provision prononçant la suspension ou la nullité d'une décision, de même que l'extrait de la décision judiciaire réformant le jugement exécutoire par provision précité, sont déposés et publiés conformément aux articles 2:7 et 2:13.

      Cet extrait contient:

      1° la dénomination et le siège de la personne morale;

      2° la date de la décision et le juge qui l'a prononcée. ».

     

  3. Le commissaire n’étant pas partie à la cause, l’ICCI estime que la décision judiciaire en question prononçant la nullité de l’assemblée générale de sa nomination a un effet ex nunc (soit à la date du jugement) en ce qui le concerne.

     

    En vertu de l’article 2:47, § 2 du CSA, pour produire ses effets à la date du jugement, l’extrait de la décision judiciaire en question doit  toutefois être déposé dans le dossier de la personne morale (art. 2:7 CSA) et publié aux Annexes du Moniteur belge (art. 2:13 CSA)[1] ).

     

  4. L’ICCI tient à souligner que, dans le cas d’espèce, la décision judiciaire se limite à acter les conclusions d’accord entre la société en question et l’actionnaire principal.

     

    La fin anticipée du mandat de commissaire doit donc en l’espèce être considérée comme décidée à l’initiative de la société contrôlée.

     

    Aucune explication quant aux motifs éventuels justifiant la fin anticipée du mandat de commissaire  n’est en outre donnée dans ladite décision judiciaire.

     

    L’ICCI est donc d’avis que la décision judiciaire prononçant la nullité de l’assemblée générale de nomination du commissaire ne pourrait être constitutive d’un « juste motif » au sens de l’article 3:66, § 1er, alinéa 1er du CSA.

     

  5. En toute hypothèse, si la société contrôlée souhaitait malgré tout invoquer l’existence de justes motifs, il lui incombe de respecter la procédure prévue à cet effet (communication via une assemblée générale ou extraordinaire, cf. article 3 :67 CSA). Or, d’après les éléments en notre possession, cette procédure n’a pas été suivie.

     

  6. Comme dans le cas d’une assemblée générale d’une société contrôlée souhaitant révoquer son commissaire à la suite d’un changement d’auditeur au  niveau du groupe, une telle révocation, sans justes motifs, est susceptible d’entraîner le paiement d’une indemnité de rupture au profit du commissaire révoqué [2] ).

     

  7. L’ICCI souhaite en outre rappeler que le commissaire doit avoir la possibilité de rapporter à l’assemblée générale les travaux qu’il a déjà accomplis durant l’exercice comptable en cours [3].

     

  8. Enfin, dans ce cas très exceptionnel, L’ICCI invite également à examiner les possibilités de négocier une rupture de « commun accord » avec la société contrôlée. À cet égard, l’ICCI souhaite  référer au point 2.3.de l’avis 2019/10 du Conseil de l’IRE [4] ) :

     

    « 2.3. Remarques concernant les fins anticipées de mandat de commun accord

     

    L’interruption de mandat de commun accord n’est pas prévue par le Code des  sociétés. Un « commun accord » ne sera possible que s’il tombe dans l’une des  catégories étudiées dans le présent avis, à savoir une révocation ou une  démission.

     

    Le « commun accord » ne peut cependant pas être considéré comme une révocation pour justes motifs. Il ne peut pas non plus être considéré comme une démission pour motifs personnels graves. Cela pourra par contre être le cas de la  démission à l’assemblée générale après avoir expliqué les raisons de celle-ci.

    Sinon, il s’agira d’une révocation en cours de mandat sans juste motif. »

     

     

  9. L’ICCI attire l’attention sur le fait que, conformément à l’article 3:66 § 2 du CSA, tant la société contrôlée que le commissaire, doivent en outre informer le Collège de supervision des réviseurs d’entreprises de la révocation en cours de mandat et en exposer les motifs de manière appropriée, que l’interruption de mandat ait ou non été convenue de commun accord [5] ). On peut trouver ci-après le lien vers le formulaire standardisé d’interruption du mandat de commissaire : Interruption du mandat de commissaire – Information au CSR | CSR (fsma.be)

     

  10. Enfin, pour la bonne forme, l’ICCI tient à souligner que si la société en question est qualifiée de grande parce qu’elle dépasse au moins deux des trois critères de l’article 1:24 du CSA, elle est légalement tenue de désigner un commissaire, sous peine d’être sanctionnée pénalement en vertu de l’article 3:97, § 1er du CSA.

Mots clés : révocation, nullité, décision judiciaire

Sleutelwoorden : Opzegging, nietigverklaring, gerechtelijke beslissing


[1] ) Cf. également : B. Tilleman, Le statut du commissaire, ICCI 2007-2, Bruxelles, La Charte, 2007, p. 134, no 222.

[2] ) Cf. Avis 2019/10 du Conseil de l’IRE du 9 avril 2019 concernant l’interruption du mandat de commissaire, p. 10.

([3]) Cf. La société et son commissaire, cas pratiques, Etudes IRE 2004, p.66, point 3.11.

[4] ) Avis 2019/10 du Conseil de l’IRE du 9 avril 2019 concernant l’interruption du mandat de commissaire, p. 11.

[5] ) Cf. Avis 2019/10 du Conseil de l’IRE du 9 avril 2019 concernant l’interruption du mandat de commissaire, p. 11.


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