30 juillet 2009

Comment faut-il traiter le rachat d’actions propres en vue de les attribuer gratuitement au personnel ?

 

Pour la bonne forme, l’ICCI réfère à certaines dispositions générales prévues par le Code des sociétés, notamment dans ses articles 620 à 626 / par le Code des sociétés et des associations, notamment ses articles 7 :215 à 7:220  :

 

–   la décision d’acquérir des actions propres ne requiert aucune approbation préalable de l’assemblée générale si, dès l’origine, ces actions sont achetées afin de les distribuer au personnel (art. 620, §1er, al. 2 C. Soc. / art. 7:215, §1er, al.3 CSA) ;

–   par contre, des détails sur la raison des acquisitions et sur les nombres et valeurs concernés  doivent être communiquées dans le rapport de gestion ou dans l’annexe aux comptes annuels (art. 624 C. Soc. / art. 7:220 CSA) ;

–   aussi longtemps que les actions sont comptabilisées à l’actif du bilan, une réserve indisponible doit être constituée, dont le montant est égal à la valeur à laquelle ces actions sont portées à l’inventaire (ceci implique qu’en principe la valeur d’inventaire est sujet à ajustement au moins à la fin de chaque exercice comptable)  (art. 623, al. 1er);

 

/ Aussi longtemps que les actions, parts bénéficiaires ou certificats sont comptabilisées à l'actif du bilan de la société, d'une personne agissant en son nom mais pour le compte de la société, ou par une société filiale contrôlée directement visé à l'article 7:221, la société doit constituer une réserve indisponible, dont le montant est égal à la valeur à laquelle les actions, parts bénéficiaires ou certificats qu'elle a personnellement acquis sont portés à l'inventaire, augmenté de la valeur d'acquisition des actions, parts bénéficiaires ou certificats détenus par la personne ou la filiale mentionnée ci-avant. (art. 7:217, §2 CSA)

 

–   les sommes affectées à l’acquisition d’actions propres, augmentées du montant prévu pour les actions acquises antérieurement par la société et qu’elle aurait en portefeuille et les actions acquises par une personne en nom propre mais pour le compte de la société, doivent être susceptibles d’être distribuées conformément à l’article 617 du Code des sociétés  (Art. 620, § 1er, 3°);

 

/ les sommes affectées à cette acquisition sont susceptibles d'être distribuées conformément à l'article 7:212 (art. 7 :215, §1er, 2° CSA)

 

–   la valeur nominale ou, à défaut, le pair comptable des actions acquises ne peut dépasser 20 % du capital souscrit (art. 620, § 1er, 2° / [cette disposition n’a pas été reprise dans le CSA]) ;

–   les actions acquises en vue de leur distribution au personnel doivent être cédées dans un délai de 12 mois à compter de leur acquisition (art. 622, § 2, 3° C. Soc. / art. 7:215, §1er, al.3 CSA). Les actions qui n’auraient pas été cédées dans ce délai sont nulles de plein droit (art. 625, § 1er, al. 1er C. Soc. / art. 7:219, §1er, al. 1er CSA).

 

La question contient une référence à l’avis 121-3 de la Commission des Normes Comptables (CNC)([1]). Cet avis n’a que peu d’intérêt pour l’opération qui est visée ; en effet, pour ce qui concerne cette question, il ne commente que le traitement  comptable de la constitution et de l’annulation de la réserve indisponible relative à l’acquisition, à l’aliénation et à la destruction d’actions propres, mais nullement l’aspect d’attribution gratuite de ces actions au personnel.

 

Cette question reste complètement muette au sujet des caractéristiques du plan d’attribution au personnel des actions rachetées. Or, il est important de savoir si les actions seront attribuées au fur et à mesure de leur rachat, ou s’il existe un plan prévisionnel d’attribution tenant compte des ayants droit et du moment dans le temps de l’attribution effective, ou encore si l’attribution envisagée se rapporte à des prestations passées ou futures, ou encore s’il s’agit ou non d’une participation aux bénéfices de la société, etc. Ces caractéristiques sont susceptibles d’influencer le traitement comptable à devoir retenir.

 

Comme cela est mentionné, le droit comptable belge ne comporte aucune disposition particulière relative à la problématique soulevée en l’espèce. Il faut dès lors s’en référer aux principes généraux de l’image fidèle, de l’exhaustivité des charges et de la spécialisation des exercices. L’ICCI résume ci-dessous ses suggestions pour le traitement comptable dans les circonstances respectives rappelées au paragraphe précédent.

 

1. Acquisition d’actions propres et attribution gratuite dans le même exercice

 

Dans cette hypothèse la plus simple, le coût d’acquisition des actions propres qui seront ensuite (dans le courant du même exercice comptable) attribuées à titre gratuit au personnel sera pris en charge du compte de résultats comme un élément de rémunération, sauf si au moment de l’attribution des actions au personnel la valeur du marché est inférieure à la valeur d’acquisition en quel cas la société enregistrera comme charge de rémunération la valeur du marché (l’avantage reçu gratuitement par le personnel sera donc égal à la valeur de marché des actions) et la différence comme une perte sur ces actions. L’assujettissement éventuel aux charges sociales constituera un coût supplémentaire à prendre en résultat.

 

L’actif du bilan ne comprenant plus d’actions propres, la réserve indisponible qui au moment de l’acquisition des actions aura directement été constituée n’a plus de raison d’être non plus et devra donc être retransférée aux réserves disponibles.

 

 

2. Acquisition d’actions propres dans le cadre d’une décision d’attribution gratuite étalée sur plusieurs exercices

 

L’article 622, § 2, 3° du Code des sociétés / article 7 :215, §2, al.3 du Code des sociétés et des associations mentionne qu’aucune décision de l’assemblée générale n’est requise pour l’aliénation des actions acquises en vue de leur attribution au personnel, lesquels doivent être cédées dans un délai de douze mois à compter de leur acquisition. Il en résulte que l’exemple expliqué sous le point 6 de l’avis du Conseil National de la Comptabilité (France)  ne trouvera pas son application en Belgique.

 

a. Décision d’attribution gratuite en reconnaissance de prestations antérieures

 

·    Décision inconditionnelle par l’organe de gestion d’acquérir des actions propres en vue de leur attribution gratuite au personnel actuel dont les droits sont clairement définis, même si l’attribution définitive aura lieu au-delà d’un délai de douze mois.

 

Il faudra estimer la charge qui résulte de cette décision et débiter le résultat (dotation à la provision pour risques et charges) par le crédit d’un compte de provision pour risques et charges du passif. Ce dernier compte représente donc l’engagement pris auprès du personnel et est égal aux droits effectivement accumulés à la date de la décision. L’ICCI est d’avis qu’à ce stade il n’est pas encore indiqué de débiter un compte de charges de rémunération ou de créditer un compte de la rubrique dettes salariales.

 

Cette provision sera évaluée notamment en fonction d’une estimation de l’évolution du prix d’acquisition des actions propres qui seront achetées après la date à laquelle le plan d’attribution gratuite de titres est arrêté.

 

Même si la décision prise ne prévoit l’attribution globale au personnel actuellement défini qu’après par exemple une période de trois ans, sous la condition expresse que ce personnel soit encore en service à la fin de cette période, la société ne pourra pas étaler la constitution de la provision prorata temporis sur les exercices comptables concernés étant donné qu’il s’agit d’une décision irrévocable.

 

·    Acquisition des actions propres.

 

La valeur d’acquisition sera débitée au compte actions propres « destinées à être attribuées au personnel » sous la rubrique placements de trésorerie de l’actif.

 

Simultanément un montant identique sera débité aux réserves disponibles et crédité à un compte de réserve indisponible conformément à l’avis 121-3 de la CNC. L’acquisition même n’affectera les écritures précédentes concernant la constitution de la provision en couverture de l’engagement envers le personnel que dans la mesure où le coût d’acquisition des actions propres diffère de l’estimation du coût pris en compte pour estimer la provision nécessaire.

 

·     Attribution (totale ou partielle) gratuite au personnel des actions acquises.

 

La valeur d’acquisition des actions attribuées sera débitée aux charges de rémunération par le crédit du compte actions propres de l’actif (les charges sociales éventuelles constituent un coût supplémentaire). Simultanément, un montant équivalent sera, d’une part, transféré de la réserve indisponible aux réserves disponibles et, d’autre part, la provision pour risques et charges sera réduite par un transfert en résultat (utilisation de provisions). Ces écritures comptables sont donc comparables à la situation décrite dans le point 1 ci-dessus.

 

Si au moment de l’attribution des actions au personnel, la valeur du marché est inférieure à leur valeur d’acquisition, la société enregistrera la perte sur le cours parmi les charges financières (voir point 1).

 

·     Valorisation en fin d’exercice des actions propres non encore attribuées au personnel.

 

A la fin de l’exercice, la valeur des actions disponibles dans l’attente de l’attribution effective sera comparée à la valeur du marché et une dépréciation sera comptabilisée si leur valeur de marché est devenue inférieure à la valeur comptable. Cette dépréciation ira de pair avec, un ajustement, d’une part, de la provision pour risques et charges et, d’autre part, de la réserve indisponible.

 

Si avant la date d’attribution la valeur de marché remonte, la société comptabilisera une reprise de la réduction de valeur, de sorte qu’à la date d’attribution la rubrique charges de rémunération sera débitée exactement de la valeur de marché des actions.

 

b. Décision d’attribution gratuite en compensation de prestations futures

 

·    Décision  par l’organe de gestion d’attribuer des actions propres sur une base périodique.

 

Si l’attribution gratuite d’actions propres fait partie d’un véritable « plan de compensation » et représente donc un élément constant ou variable qui chaque année fera partie (ou peut sous certaines conditions faire partie) du package de rémunération du personnel ou de certains groupes du personnel, il ne faut pas provisionner les charges annuelles qui viendront à charge de l’avenir. Ceci implique que seules les charges correspondant aux droits déjà effectivement acquis au moment de la décision, en principe jusque la fin de l’exercice en cours, feront l’objet d’un provisionnement (voir premier point sous 2.a ci-dessus). En effet, il n’y aucune raison de provisionner des rémunérations futures du personnel, dont les prestations qui donneront droit à l’attribution d’actions seront fournies à l’avenir.

 

A titre d’information, l’ICCI signale qu’un tel système n’est pas comparable au régime auquel ont droit les prépensionnés et pour lequel il faut nécessairement provisionner la totalité de la charge future (éventuellement escomptée) des indemnités qui sont dues après leur départ en prépension. En effet, dans un tel cas de figure, l’entreprise ne bénéficiera pas des prestations du personnel concerné en contrepartie de la charge de prépension qu’elle consentira.

 

·    Autres aspects comptables.

 

L’ICCI renvoie à ses commentaires sous les points 1 et 2.a ci-dessus pour les autres aspects d’écritures comptables à respecter.

 

3. Cas particulier : distribution de bénéfice au personnel par l’attribution d’actions en portefeuille

 

En cas de distribution de bénéfice au personnel en vertu d’une disposition statutaire ou d’une décision de l’assemblée générale, cette attribution au personnel ne sera pas comptabilisée au compte de résultats, mais bien au débit du compte d’affectation au titre « d’autres allocataires ». Encore faut-il, selon l’ICCI, qu’il s’agisse d’une véritable affectation du résultat décidée selon les formes requises et non d’un bonus de rémunération auquel cas cette attribution serait constitutive d’une charge.

 

Des commentaires ci-dessus, il faut comprendre que le droit comptable belge n’envisage pas d’étaler la prise en charge en résultat de l’obligation financière totale qui résultera de l’application du plan d’attribution gratuite tel qu’il a été décrit dans l’exemple d’application dans le point 6 de la note du Conseil National de la Comptabilité publiée en novembre 2008.

 

A toutes fins utiles l’ICCI fait remarquer :

 

·    que le montant de l’engagement global résultant du plan ne pourrait être enregistré comme « frais d’établissement » et être amorti sur une période de cinq ans maximum; en effet, ces charges ne cadrent pas dans une restructuration d’entreprise et n’auront pas d’impact favorable et durable sur la rentabilité future de la société ;

 

·     qu’il ne peut davantage faire l’objet de comptes de régularisation au titre de charges à reporter.

 

L’ICCI attire encore l’attention sur l’article 625, § 1er du Code des sociétés / art. 7:219, §1er, al. 1er du Code des sociétés et des associations qui précise notamment que les actions qui n’ont pas été aliénées dans le délai prescrit par l’article 622, § 2, 3° du Code des sociétés / article 7:215, §1er du Code des sociétés et des associations (actions acquis en vue de leur distribution au personnel) sont nulles de plein droit. En outre, l’ICCI renvoie aux dispositions pénales mentionnées à l’article 648, 3° du Code des sociétés / article 7:232, 2° du Code des sociétés et des associations.

 

En aucun cas cette réponse ne se substitue à un avis officiel de la CNC qui est chargée, en vertu de la loi, de développer la doctrine comptable.

 

L’ICCI s’abstient de commenter les aspects fiscaux d’une telle opération pour lesquels un expert fiscal et/ou juridique pourra se prononcer.

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