18 juillet 2011

La loi du 30 décembre 2009 (MB du 15 janvier 2010) a modifié le régime des fusions nationales en introduisant un nouvel alinéa 7 à l’article 695 du Code des sociétés.

 

Ce nouvel alinéa 7 prévoit la possibilité de renoncer à l’intervention d’un expert par vote unanime des associés et autres porteurs de titres conférant le droit de vote.


Le Conseil de l’IRE a émis un avis daté du 10 juin 2010 où il incite à agir avec prudence et considérer que si lors d’une fusion par absorption les associés renoncent à l’intervention d’un expert pour l’examen du projet de fusion, le rapport sur les apports en nature dans le cadre de l’augmentation de capital de la société absorbante devrait avoir lieu.

Avant tout force est de constater que cette disposition ne s’applique par nature pas aux fusions transnationales (voir art. 772/9)  alors que la même logique devrait sans doute être suivie.


En pratique, certaines incertitudes demeurent relativement à la mise en œuvre concrète de cette disposition.

  1. Quelles normes appliquer à l’apport ?

    La norme fusions prévoit «  1.1.5. La procédure de fusion prévoit que les sociétés concernées ne doivent pas se soumettre aux formalités légales de contrôle des apports en nature (art. 695, alinéa 6 C. Soc. et 705, § 3 C. Soc.). Par contre, le contrôle des apports en nature demeure, en principe, requis par l’article 730, 2ième al. C. Soc. dans les cas de scission. En toute hypothèse, les normes de l’I.R.E. relatives au contrôle des apports et quasi-apports ne trouvent pas application dans les procédures visées par les présentes normes. ».


    Cette position est à nuancer depuis l’avis du Conseil du 10/06/2010, en cas de fusion par absorption avec renonciation à l’intervention d’un expert.


    Reste que la norme sur les apports n’est pas bien adaptée aux contextes d’opérations en continuité comptable, faut-il suivre la même approche que celle préconisée pour les branches d’activité ?


    (Norme Apports en remplaçant les §§ 2.4., 3.3. et 3.4. par les §§ 2.4. et 2.5. de la norme fusions IRE/IBR Vademecum 2005 t 1, p. 649-650)
  2. Base juridique et conclusion du rapport

    Partant du principe que l’article 602 est d’application (alors qu’il n’est prévu que dans le contexte d’une augmentation de capital qui « comporte des apports en nature ») et que l’organe de gestion a émis un rapport spécial sur l’apport en nature :

  • Faut-il prendre comme base légale l’art. 602 uniquement ou les articles 695 et 602 (sic. Al.6 bientôt abrogé) ?
  • Comment faut-il modifier la conclusion du rapport sur l’apport étant donné qu’il ne faut pas se prononcer sur le rapport d’échange et qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une augmentation (uniquement) de capital mais de variation de différentes rubriques des fonds propres (Le même problème se présente pour les scissions avec un contexte normatif et légal un peu plus clair) ?
  • Est-ce envisageable qu’un rapport sur l’apport soit émis dans le cas d’opérations (par exemple transnationales) où aucune rétroactivité comptable ne soit prévue mais bien une date différée (future) pour les effets juridiques et comptables (apparemment possible en France par exemple voir Tilquin n°388, p. 267) ?

Actuellement la conclusion (en partie) se lirait comme suit selon la norme « apports », il ne semble pas qu’une telle formulation soit adaptée aux objectifs de prudence dans le contexte de fusions prévus dans l’avis du 10 juin 2010 :  «  les modes d’évaluation de l’apport en nature arrêtés par les parties sont justifiés par le principe de continuité comptable et conduisent à des valeurs d’apport qui correspondent au moins au nombre et à la valeur nominale / au pair comptable et, le cas échéant, à la prime d’émission et autres postes des fonds propres , des actions ou parts à émettre en contrepartie, de sorte que l’apport en nature n’est pas surévalué. ».

 

En ce qui concerne la première question, l’ICCI est d’accord que la Norme relative au contrôle des apports en nature n’est pas bien adaptée aux opérations en continuité comptable.  L’ICCI pense qu’il est approprié, pour toutes les opérations en continuité comptable, de suivre mutatis mutandis l’approche préconisée par le Conseil de l’Institut des réviseurs d’entreprises (IRE) pour les apports de branches d’activités. Cette approche est décrite dans IRE, Vademecum, 2009, Tome I : Doctrine (p. 783 et 784):

 

« Cette opération d’apport de branche n’est visée ni par les Normes relatives au contrôle des apports en nature et quasi-apports ni par les Normes relatives au contrôle des opérations de fusion et de scission de sociétés commerciales. On s’interroge à juste titre sur le régime qui doit lui être appliqué.

 

Le Conseil considère qu’il s’agit en principe d’une opération d’apport et qu’à ce titre il y a lieu de privilégier l’application des Normes relatives au contrôle des apports en nature et des quasi-apports. Toutefois, vu l’application du principe de continuité des évaluations comptables, plusieurs paragraphes de ces normes ne peuvent s’appliquer (cf. par. 2.4., 3.3. et 3.4.). En lieu et place, on se référera par analogie aux paragraphes équivalents dans les Normes relatives au contrôle des opérations de fusion et de scission de sociétés commerciales (cf. par. 2.4. et 2.5.). ».

 

En ce qui concerne la deuxième question concernant la base juridique du rapport de contrôle relatif aux apports en nature, le Conseil de l’IRE a pris la position suivante dans son avis du 10 juin 2011 :

 

« Le Conseil de l’Institut fait observer que sur un plan purement juridique, si on fait appel au nouveau dernier alinéa de l’article 695 du Code des sociétés – l’hypothèse d’une fusion par absorption – il n’y a pas de rapport du commissaire, du réviseur d’entreprises ou de l’expert-comptable externe désigné.  Et dès lors, à défaut du rapport mentionné à l’avant-dernier alinéa, on devra déduire que les articles 313, 423 ou 602 du Code des sociétés (relatifs au rapport sur les apports en nature) s’appliquent bien. »

  

Cette position du Conseil de l’IRE est cependant controversée dans la doctrine.  Par ailleurs, le Ministre de la Justice a déclaré, en réponse à une question parlementaire de Madame Veerle Wouters du 7 février 2011 [1] :

 

« Sous réserve d’une interprétation contraire des cours et tribunaux, je peux dès lors vous communiquer que les deux simplifications [2] sont indépendantes l’une de l’autre. Les principaux arguments pour cela trouvent leur origine dans les directives européennes desquelles découlent ces obligations de rapport. L’introduction de la renonciation unanime au rapport de contrôle sur la fusion n’a entraîné aucune modification de la disposition de la deuxième directive, laquelle permettait aux Etats membres d’omettre le rapport révisoral sur l’apport en nature en cas de fusion par reprise. En d’autres termes, la directive 2007/63/CE visait une simplification administrative et n’avait nullement pour objectif d’en revenir au rapport de contrôle révisoral sur l’apport en nature et le rapport de gestion connexe sur cet apport. D’autres arguments trouvent leur origine dans l’Exposé des motifs, qui ne mentionne nulle part que la renonciation unanime au rapport de contrôle sur la fusion ôterait la base légale pour l’omission de l’obligation de rapport en matière d’apport en nature. Une telle lecture va également dans le même sens que les articles relatifs à la fusion par création.

 

Enfin, je peux encore vous communiquer que la directive 2009/109/CE prévoit toutefois expressément un retour au rapport de contrôle révisoral sur l’apport en nature si aucun rapport de contrôle sur la fusion ne doit être établi. Autrement dit, au moins le rapport de contrôle révisoral sur l’apport en nature ou le rapport de contrôle sur la fusion seront toujours requis dans le droit à venir. Cette directive doit en effet encore être transposée en droit belge. »

 

Dans l’attente de la transposition en droit belge de la directive 2009/109/CE qui confirmera l’obligation d’établir au moins un des deux rapports, nous recommandons de suivre l’avis du Conseil de l’IRE qui « estime que la prudence conduira, dans l’attente d’une modification legislative explicite ou d’une clarification, à faire rapport sur les apports en nature quand il n’y a pas de rapport sur la fusion elle-même » [3].

 

En réponse à la troisième question relative à la formulation du rapport du commissaire/réviseur d’entreprises, l’ICCI est d’avis que le point c) des conclusions du rapport pourrait, par exemple, être formulé comme suit :

 

« c) les modes d’évaluation de l’apport en nature arrêtés par les parties sont justifiés par le principe de continuité comptable, applicable à la présente opération, et conduisent à des valeurs d’apport qui correspondent au moins au nombre et à la valeur nominale ou, à défaut de valeur nominale, au pair comptable des actions ou parts à émettre en contrepartie des apports, augmentée des autres éléments ajoutés aux capitaux propres à l’occasion de la présente opération, de sorte que l’apport en nature n’est pas surévalué. ».

 

Dans la quatrième question, il est demandé à l’ICCI s’il est envisageable qu’un rapport sur un apport soit émis avant la date de prise d’effet comptable de l’opération.

 

Dans la mesure où, dans le cas soumetté, la valeur nette apportée ne sera connue qu’à une date future (la date de prise d’effet comptable de l’apport), l’ICCI est d’avis que tout rapport de contrôle établi avant cette date devra inclure une déclaration d’abstention pour l’absence de fixation définitive de la valeur nette apportée. Au moment où la valeur nette définitive apportée sera connue, le commissaire/réviseur d’entreprises pourra émettre un complément de rapport dans lequel il lèvera l’abstention, de sorte que l’opération puisse être finalisée.



[2]Ndlr : Les deux simplifications dont question sont celles prévues aux alinéas 6 et 7 de l’article 695 du Code des sociétés.

[3] Avis du Conseil de l’IRE du 10 juin 2011.

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