22 août 2013

Serait-il possible à l’ICCI d’éclaircir la situation mentionnée ci-dessous ?

 

Dans le cadre de recherches relatives à l’utilisation (distribution, mise en réserves, etc.) d’anciens dividendes jamais réclamés, on vient de relever une clause statutaire libellée comme suit : « Tous dividendes non touchés dans les cinq ans sont prescrits et restent acquis à la société. Ils sont versés au fonds de réserve légale. ».

 

Cette clause est-elle légale dans la mesure où on a toujours retenu que … après un délai dont on ne se rappelle plus … ces sommes devaient être versées à la Caisse de Consignation ?

 

Quelle est le fondement juridique de cette assertion incomplètement gardée en mémoire. Cette obligation en est-elle réellement une et, dans l’affirmative peut-elle être remplacée par une clause statutaire ? Quid de la notion de prescription ?


Pour répondre à la première et deuxième question, l’ICCI se réfère aux articles 45, § 1er et 46 de la loi du 24 juillet 1921 relative à la dépossession involontaire des titres au porteur [1], qui disposent que :

 

« Art. 45. § 1er. Les sociétés civiles et commerciales ayant leur siège social ou leur principal établissement en Belgique ne peuvent ni s’attribuer ni répartir à d’autres qu’aux porteurs des titres les dividendes, intérêts, sommes et avantages quelconques afférents à leurs actions, parts et obligations au porteur, dont le paiement ou la délivrance ne leur est pas demandé.

Elles ont la faculté d’en faire le dépôt à la Caisse des Dépôts et Consignations.

Leur comptabilité fait apparaitre sous une rubrique spéciale les sommes et valeurs visées à l’alinéa 1».

 

« Art. 46. La Caisse des Dépôts et Consignations remet les sommes et les valeurs qui lui sont confiées en vertu des dispositions des articles 43 et 45 au porteur dépossédé ou au détenteur du titre originaire, moyennant le consentement du ministre des finances, ou sur la production d’un jugement rendu contre lui et devenu définitif. ».

 

Par conséquent, les sociétés civiles et commerciales, dont le siège est établi en Belgique, peuvent donner en dépôt à la Caisse des Dépôts et Consignations les dividendes, intérêts, sommes et également les avantages quelconques, dont la livraison ne leur est pas demandée. Il ne s’agit donc pas d’une obligation légale [2].

 

Toute clause statutaire libellée comme indiquée dans votre question est contraire à l’article 45, § 1er susmentionnée s’il s’agit de titres au porteur. Cette obligation ne peut donc pas être remplacée par une clause statutaire.

 

Les articles 45 et 46 ne s’appliquent qu’aux titres au porteur. Dans les autres cas ce sont les dispositions du Code civil en matière de prescription qui s’appliquent notamment la prescription particulière figurant à l’article 2277 du Code civil: Les intérêts des sommes prêtées, et généralement tout ce qui est payable par année, ou à des termes périodiques plus courts, se prescrivent par cinq ans. Selon la doctrine, cet article s’applique également aux dividendes.

 

Le Professeur H. Braeckmans précise, dans l’ouvrage Handboek Vennootschaprecht qu’il a rédigé avec R. Houben : « In geval van aandelen op naam verjaart het vorderingsrecht van de aandeelhouder na vijf jaar. Het gaat om de gemeenrechtelijke verjaring (art. 2277 BW), die ten bate komt van de vennootschap als schuldenaar van de gelden. » (Anvers, Intersentia, 2012, n°1109). Dans la situation d’actions nominatives, la clause statutaire serait donc valable.

 

Pour compléter la réponse à la troisième question, si la société souhaite invoquer la prescription en matière de dividendes ou d’intérêts provenant de titres au porteur, ce qui n’est nullement obligatoire, elle devra mettre les sommes concernées en dépôt auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Elles y resteront en dépôt jusqu’à l’expiration d’un délai de trente ans, après quoi elles sont prescrites au profit de l’État (cf. art. 25 de l’arrêté royal n° 150 du 18 mars 1935 [3]). La société peut toutefois conserver lesdites sommes, lesquelles sont portées à un compte spécial en faveur des détenteurs des titres au porteur non réclamés (cf. art. 45, § 1er de la loi du 24 juillet 1921).

 

Pour être complet, la vice-première ministre et ministre de la Justice de l’époque a affirmé que le but de la loi du 14 décembre 2005 portant suppression des titres au porteur [4] n’est pas de déroger à l’article 45 de la loi du 24 juillet 1921 relative à la dépossession involontaire des titres au porteur [5], et donc cette disposition reste en vigueur.



[1] M.B. 10 août 1921.

[2] http://caissedesdepots.belgium.be/vennootschappen/vennootschappen.htm.

[3] Arrêté royal n° 150 du 18 mars 1935 coordonnant les lois relatives à l'organisation et au fonctionnement de la Caisse des Dépôts et Consignations et y apportant des modifications en vertu de la loi du 31 juillet 1934. (M.B. 21 mars 1935).

L’article 25 de l’arrêté royal n° 150 du 18 mars 1935 contient en effet une dérogation à l’article 2236 du Code civil en vertu duquel il n’y a pas de prescription possible pour des sommes déposées par des tiers.

[4] M.B. 23 décembre 2005.

[5] Doc. parl., Ch. repr., 2005-2006, n° 1974/003, p. 31.

______________________________

Disclaimer : Bien que le Centre d’Information du Révisorat d’Entreprises (ICCI) s’entoure des compétences voulues et traite les questions reçues avec toute la rigueur possible, il ne donne aucune garantie quant aux réponses qu’il formule et n’assume aucune responsabilité, ni contractuelle, ni extra-contractuelle, pour l’éventuel dommage qui pourrait résulter d’erreurs de fait ou de droit commises dans le cadre des réponses et informations données. La réponse est uniquement reprise dans la langue de l’auteur de la question. Le lecteur, et en général l’utilisateur d’une réponse, reste seul responsable de l’usage qu’il en fait.