12 janvier 2024

  1. La question suivante est posée :

    « Apport en nature de titres d'une société simple. Compte tenu du caractère transparent et sans personnalité juridique de la société simple, l'apport en nature doit-il être qualifié d'apport de titres ou d'apports d'actifs et passifs individualisés (dans le cas d'espèce détenus en indivision car l'apport ne concerne pas 100% des titres d'une société simple) ? S'il s'agit d'un apport d'actifs et passifs, le rapport spécial de l'OA doit-il contenir la description détaillée de tous les actifs et passifs apportés, avec justification individualisée de l'évaluation de chaque apport ? »

     

  2. Il a en outre été précisé que les associés de la société simple sont une SA et une Fondation privée. La SA souhaite transférer ses droits et obligations qu’elle détient à concurrence de 40% dans la société simple vers une autre SA. Un immeuble fait notamment partie de l’actif de la société simple.

     

  3. L’ICCI souhaite tout d’abord se référer à la définition de la société simple, reprise à l’article 4:1 du CSA :

    « La société simple est le contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre leurs apports en commun en vue de [distribuer ou procurer à ses associés un avantage patrimonial direct ou indirect]. Elle est conclue pour l'intérêt commun des parties. La société simple est "interne" lorsqu'il est convenu qu'elle est gérée par un ou plusieurs gérants, associés ou non, agissant en leur nom propre. A moins qu'il n'en soit convenu autrement, elle est conclue en considération de la personne des associés. »

     

  4. Les éléments soulignés dans la disposition précitée permettent de déduire le caractère intuitu personae du contrat de société simple ; il conviendra donc de vérifier si le contrat permet de déroger à ce principe en cédant les parts d’associés à d’autres personnes physiques ou morales.

    L’article 4:6 du CSA confirme à cet égard que, bien que les parts des associés soient en principe incessibles, elles peuvent être rendues cessibles pour autant que cela soit autorisée par la convention liant les associés. En outre, la cession des parts, lorsqu’elle est autorisée par la convention, ne peut être faite que d’après les formes du droit civil (art. 4:7 du CSA).

     

  5. Or, l’article 3 :70 du Code civil stipule que « sous réserve d'autres dispositions du présent Livre, chaque copropriétaire peut administrer sa part, l'aliéner et la grever de droits réels pour autant que la nature incorporelle de la part ne s'y oppose pas. ». L’apport d’une partie du patrimoine indivis au sens de l’article 4:13 du CSA, d’un associé ayant la forme d’une SA vers une autre SA est donc parfaitement possible lorsque c’est bien prévu dans la convention de la société simple. Cette autre SA deviendra alors à son tour copropriétaire du patrimoine indivis[1].

     

  6. La procédure d’apport en nature prévue par le CSA devra être suivie et la SA apporteuse recevra en contrepartie des titres de la société SA bénéficiaire. Dans ce cas, l’actif et le passif sous-jacents sont comptabilisés. En effet, le projet d’avis du 4 mars 2020 de la CNC[2] et l’avis 2012/8 de la CNC[3] disposent qu’une universalité indivise qui regroupe les droits et les obligations de la société constitue un patrimoine d’affectation distinct du patrimoine personnel de chacun des associés[4]. Selon la CNC, l’existence d'un patrimoine distinct au sein d'une société simple justifie l'obligation de tenir une comptabilité autonome pour ce patrimoine distinct[5].

    La description de l’apport doit par conséquent décrire les éléments de ce patrimoine indivis qui devront être incorporés individuellement dans la SA. En d’autres mots, la description de l'apport ne peut pas se limiter à affirmer qu'il s'agit d'une "part du patrimoine indivis".

     

  7. Il y aura donc lieu de décrire correctement l'objet de l'apport et d’être suffisamment précis quant à la composition du patrimoine de la société, les formes à respecter dépendant d’ailleurs également de cette composition[6].

     

  8. En effet, dans l’ouvrage « Droit des sociétés, 5e édition, 2020 [7]» il est  stipulé ce qui suit :

    «  ainsi, si le fonds social est composé d’un ou plusieurs droits réels immobiliers, la cession de parts devra être consacrée par un acte authentique en vue de permettre la transcription de la mutation immobilière y afférente. En application de l’article 1690, alinéa 2, du Code civil, la cession de créance n’est opposable au débiteur cédé qu’à partir du moment où elle lui a été notifiée ou à dater de l’instant où elle est reconnue par lui. ».

    Il en découle que même si l’apport en nature dans une SA suppose de toute façon un acte notarié, la présence d’un immeuble impliquera également que la cession des parts devra prendre la forme d’un acte authentique en vue de permettre la transcription de la mutation immobilière[8].

     

  9. L’ICCI peut donc conclure qu’il ne s’agit pas d’un apport de titres. La description de l'apport ne peut pas non plus se limiter à affirmer qu'il s'agit d'une "part du patrimoine indivis". Les éléments de ce patrimoine indivis devront être décrits individuellement et incorporés individuellement dans la comptabilité de la SA.

 

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Mots-clés : société simple, apport en nature

Sleutelwoorden: maatschap, inbreng in natura


[1] ICCI avis, 16 Decembre 2021, Apport en nature d'un tiers des biens mobiliers indivis dans la SRL de l'un des trois actionnaires (icci.be); IBR, Jaarverslag, 1990, p. 165, alsmede de IBR-publicatie: G. Bats, B. De Klerck, M. Vander Linden en E. Vanderstappen, Studies IBR, Inbreng in Natura en Quasi-Inbreng: Praktische Toepassingsgevallen, Brugge, die Keure, 2006, p. 101, nr. 229.

[2] Pour plus d’informations sur ce point, l’ICCI renvoi aux au projet d’avis du 4 mars 2020 de la CNC : *Microsoft Word - 20200407_FR_Ontwerpadvies_De maatschap schriftelijke procedure.docx (cnc-cbn.be)

[4] Exposé des motifs de la loi du 23 mars 2019 introduisant le Code des sociétés et des associations et portant des dispositions diverses, Chambre 54, 3119/001, p. 26.

[6] Malherbe, J., De Cordt, Y., Lambrecht, P., Malherbe, P. et Culot, H., « Titre 3 - Société simple, société en nom collectif et société en commandite » dans Droit des sociétés, 5e édition, Bruxelles, Larcier, 2020, p. 440, n°768.

[7] Référence (2016) dans Malherbe, J., De Cordt, Y., Lambrecht, P., Malherbe, P. et Culot, H., « Titre 3 - Société simple, société en nom collectif et société en commandite » dans Droit des sociétés, 5e édition, Bruxelles, Larcier, 2020, p. 440.

 

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